A Cienfuegos sur le "Parque Marti", s'élève le Teatro Tomas Terry, témoin de l'époque opulente où la bourgeoisie esclavagiste de Cuba, suivant les modes occidentales et notamment parisiennes, construisait d'élégantes salles de spectacle où étaient invités les plus grands artistes de la fin du XIXème.
Sarah Bernhardt et Caruso furent de ce voyage et apprécièrent l'accueil enthousiaste qui leur fut réservé!
Statue de Tomas Ferry dans le Hall du théâtre (marbre de Carrare)
Un grand propriétaire de plantations de cannes à sucre, enrichi par l'exploitation inhumaine des esclaves venus d'Afrique, Tomas Terry Adams, maire de la ville, a voulu par testament que fût édifié ce théâtre, au coeur de la ville.
Musee de la centrale sucrière Marcelo. Mémoire de l'esclavage.
Il le dédia à la mémoire de son père et désira, sans doute pour se donner bonne conscience, qu'une partie de la recette des spectacles fût consacrée aux oeuvres caritatives.
Le bâtiment classé Monument National, a été conçu par l'architecte militaire, Lino Sanchez Marmol.
Il fallut presque trois ans pour le réaliser (1887-1889).
Il fut inauguré le 8 février 1890.
Il développe une façade harmonieuse et sans surcharge, ce qui n'est pas pour étonner, venant d'un architecte habitué aux casernes et autres bâtiments virils et utilitaires.
Le fronton est orné de mosaïques de l'atelier Salviati de Venise. Les masques de la tragédie et de la comédie encadrent la muse de la danse, Terpsichore.
Ne croyez pas le guide Hachette qui y voit les trois Grâces!!!
Le hall avec ses peintures et ses candélabres fin de siècle, contraste avec la simplicité de la façade. Il est dans le plus pur style 1900 "rococo", inspiré par le dix-huitième français qu'appréciait Tomas Terry qui séjournait parfois dans le Paris des années folles (où d'ailleurs il mourut en 1886!)
Au plafond, dans un ciel turquoise où volètent de blancs oiseaux, les muses accompagnées d'angelots rebondis, jettent des fleurs sur le public qui entre dans le théâtre.
On les retrouve dans la grande salle.
Elles sont emportées dans un tourbillon de nuées, enlevées vers les cimes par la musique qui s'élève de la fosse. Leur auteur est un peintre hispano-philippin du nom de Camilo Salaya. La chair rose, les poitrines sensuelles, les bras potelés évoquent Mignard mais aussi les décors des music-halls parisiens de la fin du siècle.
Deux médaillons entourés de fleurs les accompagnent.
L'un d'eux est le portrait d'une poétesse cubaine très appréciée au XIXème : Gertrude Gomez de Avellaneda, plus connue sous le nom de "La Avellaneda", malheureuse en amour, comme toutes les poétesses qui se respectent...
L'autre médaillon n'est pas malgré les apparences, le portrait de Trotsky. Il s'agit de Gaspar Villate (1851-1891) compositeur cubain qui connut Verdi et fut influencé par lui, écrivit quelques opéras avant de mourir, comme Tomas Terry à Paris...
Le Théâtre ne manque pas de charme avec ses portes à claires-voies qui évoquent les maisons créoles.
La structure est légère, sans cloisons inutiles. L'air y circule pour atténuer la moiteur tropicale...
Les deux étages sans surcharge sont légers et ouverts comme les terrasses des grandes maisons de bois.
Les plafonds des loges, peints de feuillages, de fleurs et d'oiseaux se dégradent doucement et s'assombrissent...
Sous le bienveillant regard de cette divinité de Théâtre...
En sortant du théâtre, sur la place, on peut voir le Palaccio Ferrer, édifié lui aussi par un magnat du sucre et où, parait-il, logèrent Sarah Bernhard et Caruso lorsqu'ils se produisirent à Cienfuegos.
Sarah Bernhardt joua Cléopâtre et Caruso chanta Aïda. Il aurait pu chanter Nabucco dans ce théâtre construit avec l'argent de l'esclavage. Le choeur des esclaves y aurait résonné avec plus d'ampleur et de vérité...
Liens :
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Cuba.Hemingway. Hôtel Ambos Mundos. Chambre 511.
Cuba. Sancti Spiritus. Eglise.
Buddha. Les statues du musée Cernushi.
Palestine. Le mur. Deheishe. Bethleem.
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Paravent Corée. Epoque Choson.