cimetière Montmartre: Théophile Gautier

Non, ce n'est pas Judith exhibant son trophée, la tête d'Holopherne!

      Il s'agit de Calliope, muse de la poésie s'appuyant mélancoliquement sur un bouclier orné de la tête de... Théophile Gautier.

Elle rappelle au passant du cimetière qu'il y a là, sous la terre, un poète qui fut en son temps un flamboyant chevalier du romantisme et qui fut considéré par sa génération comme un des plus grands.

N'est-ce pas à lui que Baudelaire dédia les Fleurs du Mal : "Au poète impeccable"?

                                            Gautier par Nadar. (1856)

Le voilà six ans avant sa mort. Il n'est plus le jeune homme mince et échevelé, le révolté au "gilet rouge" qui participa activement à "la bataille d'Hernani". 

      Quand il meurt à 62 ans, il laisse une oeuvre considérable.

Des romans comme Mademoiselle de Maupin qui fit scandale. Madeleine de Maupin, pour mieux connaître les hommes se travestit. Elle se métamorphose en Théodore et séduit hommes et femmes. La grande liberté du roman est revendiquée par la préface qui prend position contre le moralisme ambiant et revendique l'indépendance absolue de l'art.

      Gautier laisse aussi des livrets qu'il considère comme mineurs. Pourtant, avec Giselle, il participe à la création d'un des ballets les plus romantiques et les plus populaires...

Enfin, son oeuvre poétique (avec notamment "Emaux et Camées") lui vaut d'être admiré et suivi par bien des jeunes poètes, à une époque où Calliope était une maîtresse aimée et honorée.     

Aujourd'hui, Gautier est montmartrois bien qu'il n'ait jamais habité de son vivant ce quartier. 

Sur les côtés et à l'arrière du monument, ses vers sont gravés dans la pierre et s'estompent peu à peu.

Sur la droite, un extrait de "La Comédie de la Mort" :

Priez Dieu pour son âme et par des fleurs nouvelles                                         Remplacez en pleurant les pâles immortelles                                                          Et les bouquets de fleurs

Sur la gauche, la troisième strophe du poème "Dernière Feuille" :

L'oiseau s'en va la feuille tombe                                                                            L'amour s'éteint car c'est l'hiver                                                                           Petit oiseau viens sur ma tombe                                                                           Chanter quand l'arbre sera vert

Sur l'arrière très exposée aux pluies et aux vents, l'inscription n'est plus lisible. 

                                Godebski. N.D. des naufragés. Pointe du Raz. 

La statue de Calliope, en marbre de Carrare, est due à Cyprien Godebski dont la fille Misia, pianiste de grand renom, sera l'égérie de nombreux peintres  impressionnistes.

Après la mort de son fils au Tonkin, il sculpta cette Vierge des Naufragés, à la pointe du Raz. 

                             Godebski. Médaillon de Berlioz. Cimetière Montmartre. 

Il est aussi l'auteur du médaillon de Berlioz, sur la tombe du musicien, à quelques dizaines de mètres de celle de Gautier.

Si le profil de Berlioz, sévère et raide, ne dit rien du génie du musicien, Calliope correspond mieux au poète de la ciselure et de la précision, au poète qui a parfois privilégié la forme aux dépens de l'émotion et de la liberté créatrice.

La statue passe son éternité dans le grand cimetière. Elle attire parfois un passant qui déchiffre un nom qui ne lui évoque rien mais trouve que la statue est belle. Il ignore que celui qu'elle honore a écrit dans sa préface de Mademoiselle de Maupin :

  "Il n'y a de vraiment beau que ce qui ne peut servir à rien".

Calliope lui répond en écho avec un vers de Baudelaire :

"Je suis belle ô mortel comme un rêve de pierre..."

Liens

Cimetière Montmartre. Classement alphabétique. Calvaire et Saint-Vincent.

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