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Dans la cinquième division du cimetière, avenue Cordier, la muse Erato, laisse tomber des
fleurs sur la tombe d'henry Murger (1822-1861). Les passants curieux lisent le nom du poète qui reçoit cet hommage.
Parfois, l'un d'eux s'exclame : "Mais oui je le connais, c'est lui qui a écrit les Scènes de la Vie de Bohême! Puccini en a fait le livret de son
opéra "La Bohême"!
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Et si l'on parle encore un peu de lui, c'est grâce à cet opéra célébrissime qui a fait pleurer des générations de mélomanes au coeur tendre. On y retrouve
tous les personnages du feuilleton de Murger, avec le nom qu'il leur avait donné : Rodolphe, pour lui-même; Schaunard pour Schanne, son ami le musicien; Marcel pour François Tabar, le
peintre; Mimi pour Lucile Louvet, la petite fleuriste .....
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Henry Murger y dépeint la vie difficile qu'ils mènent à Paris, rêvant de reconnaissance et de gloire. Il définit ce qu'est la vraie bohême, non pas celle
des bobos, des nantis qui se donnent des allures de révoltés et d'artistes maudits, mais celle de ceux qui sont nés sans argent, sans relations et n'ont pour survivre que leur art. Ceux qui
doivent lutter avec leurs seules forces pour se faire une petite place.
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Car les bonnes places sont réservées, comme aujourd'hui, dans la littérature, la politique ou le cinéma, aux fils de... et aux filles de... aux copains
de... aux copines de...
Erato le sait bien, elle qui réserve toute sa compassion à ces maudits qui bien souvent ne font pas de vieux os sur la terre.
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Henry Murger est né dans une loge de concierge, rue Saint-Georges près de l'église Notre Dame de Lorette où il sera baptisé. Son père, Allemand, essaye
d'améliorer l'ordinaire en ajoutant au maigre salaire de concierge celui de tailleur. Il ne pourra cependant assurer les études de son fils qui se formera seul en dévorant des
livres.
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Henry Murger crée avec ses amis, artistes bohêmes, le Club des buveurs
d'eau, ce qui à l'époque de l'absinthe, la reine verte, est une sorte de provocation! Il ne manque pas de décrire dans son feuilleton
des scènes orgiaques où le vin coule à flot :
"...Mimi buvait dans tous les verres. Schaunard avait dans le gosier un Sahara inaltérable."
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Mimi, comme Lucile Louvet, meurt jeune (24 ans) à l'hôpital, de l'inévitable tuberculose qui emportera également Marie Duplessis, alias Marguerite Gautier
dans le roman d'Alexandre Dumas, La Dame aux camélias" (publié en 1848, la même année que les Scènes de la vie de Bohême!) qui deviendra pour Verdi "La
Traviata"...
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Henry Murger meurt à 39 ans. Il avait fait de fréquents séjours à l'hôpital Saint-Louis à cause d'un purpura douloureux.
Sur sa tombe, quelques lettres gravées dans la pierre rendent hommage à l'écrivain et surtout à l'ami... à celui qui, bien que démuni, apportait toute
l'aide possible à ses compagnons de galère et de bohême.
L'écrivain a habité des chambres misérables ou de petits appartements sans confort dans bien des rues de Paris, mais essentiellement dans le quartier de
Lorette où il était né et un peu plus haut, à Montmartre (Il vécut Boulevard Pigalle, aujourd'hui Boulevard de Clichy et rue Véron...à deux cents mètres du cimetière).
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La statue élégante qui orne sa tombe est due à Aimé Millet qui le connaissait et l'appréciait. Ce sculpteur est l'auteur du gisant d'Alphonse Baudin, oeuvre
puissante que vous pouvez voir dans le même cimetière. (Alphonse
Baudin.)
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On lui doit également le groupe d'Apollon, la Poésie et la Musique, sur le toit de l'Opéra Garnier.
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...Et parmi d'autres oeuvres, l'Amérique du Sud, créée pour l'exposition de 1878 et qui décorait l'ancien Palais du Trocadéro. Elle est aujourd'hui sur
l'esplanade du Musée d'orsay.
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Quelques citations tirées des Scènes de la Vie de Bohême :
"L"espèrance est le million du pauvre".
"La bohême est un état social qui peut déboucher sur la reconnaissance (l'académisme), sur la maladie (l'hôtel-Dieu) ou
la mort (la morgue).
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Quelques vers tirés du recueil "Les Nuits d'Hiver"
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(...) Quand du malheur tu sauras le martyre,
Lorsque ton coeur sera triste, ulcéré,
Ne pleure pas, tes larmes feront rire :
Il est des gens qui n'ont jamais pleuré,
A ces heureux, loin de porter envie,
Jette en passant des regards de pitié,
Car, sans les pleurs, que sait-on de la vie?
C'est un roman qu'on n'a lu qu'à moitié.
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....Et avant de laisser Murger et sa muse, pourquoi ne pas écouter les adieux de Mimi chantés par Maria Callas?
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Liens : cimetière Montmartre: