Il faudrait une centaine d'articles pour parler du boulevard de Rochechouart !
Une partie de l'histoire tumultueuse de Montmartre a eu pour cadre ce boulevard qui malgré le vandalisme et l'inculture de nombreux élus parisiens, conserve ici et là, des traces de sa grandeur et de sa fantaisie passées.
Cette artère de 730 mètres de long et 42 mètres de large a été ouverte au début d'une année mémorable : 1789 !
Elle était alors une voie modeste du village de Montmartre qui longeait les murs de l'octroi.
Ce plan permet de voir la frontière qu'était le mur qui entourait Paris et qui une fois abattu permit la fusion du boulevard et du chemin de ronde. On voit aussi une partie des immeubles détruits pour ouvrir le boulevard Ornano (Barbès). La place Belhomme disparut alors ainsi que le café du Père Colombe.
C'est en 1864, après le rattachement de Montmartre à Paris et la destruction de la barrière des Fermiers Généraux que fusionnèrent le boulevard des Poissonniers (côté XVIIIème) et les chemins de ronde des Poissonnières (côté XIème) qui était à l'intérieur des murs. Le boulevard prit alors le nom de Rochechouart.
Ce nom de Rochechouart est celui d'une Abbesse (la 43ème) de l'Abbaye de Montmartre, Marguerite de Rochechouart de Montpipeau (1665-1727).
Au début du boulevard côté pair, un bel immeuble de pierres a été construit en 1890, à l'angle avec le boulevard Barbès.
Il est difficile d'imaginer ce qu'était le boulevard des Poissonniers avant les grandes transformations de la fin du XIXème siècle, après l'annexion de Montmartre.
...Difficile de trouver l'emplacement, au numéro 2, du café du Père Colombe, immortalisé par Zola dans l'Assommoir.
En effet, une partie de l'îlot où il se trouvait a été détruite lors de la création du boulevard Ornano (rebaptisé Barbès, dans cette section).
Zola le décrit comme un lieu de dévotion où les ouvriers viennent offrir leur paye. L'alambic comme une divinité, brille dans l'ombre et "distille une sueur d'alcool" capable d'inonder Paris.
Le 2 aujourd'hui... Tati a remplacé le Père Colombe.
"On faisait la queue devant l'Assommoir du Père Colombe, allumé comme une cathédrale pour une grande messe, et, nom de dieu! on aurait dit une vraie cérémonie. On célébrait la Sainte Touche quoi; Une sainte bien aimable, qui doit tenir la caisse au paradis."
Le décor peint pour la pièce tirée du roman de Zola, montre le café du père colombe à droite et au fond le pavillon d'octroi de la barrière des Poissonniers.
Tati a pris possession des immeubles du côté pair, un à un, les reliant en cassant les murs...
Avec la passerelle au-dessus de la rue Belhomme qui ne cache que la toiture des magasins Dufayel, dont par chance les façades ont été épargnées. Le théâtre, les serres, les galeries, elles, ont été détruites...
Parmi Les immeubles occupés par Tati, il y a le 16 où se tenaient les réunions du club de la Montagne, un de ces clubs créés après la révolution de 1848 et où l'on imaginait un monde plus juste.
Le
Le terre-plein central dans cette section du boulevard est occupé par le métro.
Des immeubles bourgeois ont remplacé souvent les maisons modestes de l'ancien village.
Côté impair un bel immeuble à pan coupé donne sur Le boulevard Magenta et le boulevard de Rochechouart
Ile est suivi d'un ensemble homogène d'immeubles de pierres post-hausmanniens conçus par les architectes Cadot et Goblet.
Le 13 est plus original avec son décor de briques et de pierres et le buste de sa façade. Il est le siège de l'Union Nationale Lycéenne depuis sa création.
Le 15 est occupé par une enseigne connue. L'immeuble est exactement à l'emplacement de La Gaité Rochechouart, (un des nombreux music-halls du boulevard, aujourd'hui disparus...)
La Gaité Rochechouart en 1901
Le Café-concert a été ouvert en 1865 et il est vite devenu une des salles les plus fréquentées du boulevard. Fréhel et Mistinguett, entre autres, s'y produisirent...
A la Gaité Rochechouart. Toulouse Lautrec 1893
A l'emplacement du 17 commençait la barrière de Rochechouart qui formait une place autour du pavillon de l'octroi.
Le 19
L'immeuble élégant suit la courbe de l'ancienne place de la Barrière.
En 1883 le poète Germain Nouveau vécut dans cet immeuble. Ce grand poète qui ne voulait pas qu'on publiât ses oeuvres participa à la vie montmartroise et fut un admirateur de Rimbaud avec qui il vécut à Londres plusieurs mois en 1874.
Après plusieurs crises mystiques il partit en mendiant sur les routes.
Il mérite d'être redécouvert aujourd'hui.
Sur la façade, au-dessus d'un fripier, une plaque perd peu à peu ses couleurs. On peut y déchiffrer encore "Spécialité française"...
C'est au 19 qu'était installé le magasin "Godillot" fournisseur de l'armée française. Alexis Godillot, maire de Saint-Ouen où il avait ses tanneries, innova dans l'art de la chaussure et de la sellerie. Il fit profiter les armées impériales de son talent et ses chaussures prirent rapidement son nom (honneur assez rare dont fut décoré avant lui le préfet Poubelle).
Les ateliers Godillot étaient situés aux 52 et 54 rue de Rochechouart. Ils furent ravagés par un incendie mémorable qui faillit se propager à tout le quartier le 1er juillet 1895.
Deux cafés s'ouvrent sur cet espace, de part et d'autre de la rue rochechouart...
Le Diplomate au 19...
Le Panorama au 20 rue Gérando.
A l'emplacement de la barrière de l'ancien octroi, le boulevard forme une place en demi-lune que les habitants du quartier nomment place du Delta mais dont les numéros restent ceux du boulevard.
Cette carte postale montre que le décor n'a pas beaucoup changé. La perspective sur la rue Clignancourt reste la même. Seules ont disparu les grandes publicité pour les Galeries Dufayel...
Les 38 et 40
A l'angle avec la rue de Clignancourt, les 38 et 40, classés, sont d'anciennes maisons de village avec leur toit de tuiles. Tati, encore lui, s'y est installé en détruisant dans les années 70 le très beau décor fin de siècle du vieux café "Les Deux Marronniers".
La rue Seveste monte du boulevard vers le square Louise Michel. au 56, un immeuble récent abrite un Darty où comme dans tous les Darty il faut beaucoup de patience pour attraper au vol un vendeur!
L'immeuble remplace un cinéma de quartier, le Palais, un de ces grands cinémas au décor insolite des années 20 qui se dégrada lentement, devint un bazar, avant de laisser la place aux machines à laver et aux ordinateurs......
Rue Briquet. A l'angle le 66.
A l'angle avec la rue Briquet, le 66 a abrité pendant 54 ans Gustave Charpentier. Il y mourut en 1956 à 95 ans.
Il était très attaché à la Commune, à Montmartre et à son esprit libre et révolutionnaire. Son oeuvre la plus célèbre, Louise met en scène des gens simples...
Louise jeune couturière tombe amoureuse de Julien, un poète de la bohême. Pour vivre son amour, Louise fuit les préjugés de la famille...
Affiche du film d'Abel Gance auquel participa Charpentier.
L'oeuvre est un hymne à l'amour libre et libéré... Elle ne manqua pas de faire scandale en 1900...
Au 68, un petit clin d'oeil à l'un des candidats à la présidentielle 2012.
Un candidat que n'auraient pas désavoué les Communards et que pour le moins ils auraient trouvé sympa !
...à suivre... Boulevard de Rochechouart. Deuxième partie, numéros pairs.
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Liens : rues de Montmartre :
Montmartre. Rue Yvonne Le Tac. (1) L'Abbaye d'en-bas.
Montmartre. Rue Gabrielle. (1) première partie (Foyatier Calvaire)
Rue Ravignan (1). Montmartre. Des Abbesses à la place Emile Goudeau.
Rue Ravignan (1). Montmartre. Des Abbesses à la place Emile Goudeau.
Montmartre. Rue du chevalier de la Barre. (I). De Ramey à Lamarck.
Toutes les rues : Rues de Montmartre. Classement alphabétique.
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