
Comme il ne m'était pas possible de la raconter à la première personne, j'ai demandé à mon chat, mon petit compagnon de ces années tragiques de prendre la plume... C'est donc lui le témoin de la catastrophe, lui qui porte un jugement juste sur les êtres.

Le voilà au Liban, sur la terrasse. Tout ce qu'il raconte, ma chienne massacrée, les cigognes dégommées comme au casse-pipe, son incursion dans une famille intégriste qui a voulu le tuer... tout cela est vrai.

Sur cette photo il est en Bulgarie. J'aurais dû le garder avec moi et ne pas le confier à l'être que je croyais digne d'amour et de confiance.
Il est mort de mon histoire, à cause de mon aveuglement. Je l'ai tenu contre moi quand l'aiguille a transpercé sa veine.
Après, c'est toujours lui qui raconte... Un chat ne meurt jamais tout à fait... Il me voit rentrer chez moi, il me voit aligner les somnifères et les avaler un à un, à grandes rasades de whisky...
Quand je l'entends à ma porte, il fait tout pour me dissuader de le suivre. Il sait qu'il habite de l'autre côté, chez les morts et que si je le rejoins, c'est que je serai mort à mon tour. Je ne peux résister, je le suis, je le saisis, nous ronronnons tous les deux, bien loin de la réalité blessée. Nous nous retrouvons tous les deux dans notre jardin volé. Morts mais libres!

Evidemment je n'ai pas réussi mon suicide. Il a dû prévenir avec ses pouvoirs de chat, mon amie, devenue ma femme, de forcer ma porte et d'appeler le SAMU.
Je ne l'ai jamais oublié. 20 ans après, c'est à lui que je dois d'avoir pu écrire ce roman. C'est à lui que je dois de m'être libéré.
J'ai écrit des poèmes pour lui. Je le retrouverai, je le sais. Il m'attend sans impatience.
Lien :
poèmes pour mon chat. Mort.
lien : les chats. Poèmes, photos, histoires.