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Montmartre secret

Montmartre secret

Pour les Amoureux de Montmartre sans oublier les voyages lointains, l'île d'Oléron, les chats de tous les jours. Pour les amis inconnus et les poètes.

Publié le par chriswac
Publié dans : #MONTMARTRE Monuments. Cabarets. Lieux
Le mot de cliché convient tout à fait au Sacré Coeur. Clichés les photos obligées et stéréotypées que tous les touristes se doivent d'enregistrer, clichés les appréciations négatives sur le monument, clichés les jugements sans appel : c'est une horreur, c'est du plus parfait mauvais goût, c'est plouc et archi plouc.                    
 

     Il y a toujours eu de tels jugements sans appel sur les monuments parisiens. Sans remonter au Moyen Âge, il suffit d'évoquer la Tour Eiffel par exemple qui fit hurler les gens de goût qui n'avaient qu'une hâte : voir venir la fin de l'exposition universelle et le démontage du mécano. Il fallait un poète comme Apollinaire pour écrire : "Bergère, ô Tour Eiffel, Le troupeau des ponts bêle cfe matin..."

L'Opéra Garnier connut le même dédain et fut longtemps considéré comme archétype du clinquant et de l'esbrouffe du style Napoléon III. Plus près de nous Beaubourg déchaîna des torrents d'hostilité et de dénigrement; torrents qui ne sont toujours pas taris. Le Sacré Coeur, lui, fut dès sa construction considéré comme un gros tas, une laiterie, une hideuse verrue sur le ciel de Paris. L'engouement populaire donnait raison aux gens de goût qui ne pouvaient qu'être une élite.


Effectivement le monument inspira une surproduction de cartes postales d'une esthétique discutable mais qui avec le temps prennent une petite saveur kitch et rétro que quelques branchés appelleront "vintage"! L'origine même de la basilique reste un peu glauque. Nous sommes après la guerre de 1870, la défaite très lourde devant les Prussiens; nous sommes surtout après la grande révolte de la Commune et l'écrasement sanguinaire du mouvement populaire. Une institutrice de Montmartre en fut une figure héroïque, Louise Michel, dont le nom a été donné au square qui s'étend au pied du Sacré Coeur.



 Tous les malheurs de la France viendraient selon certains de la désaffection religieuse, des errements philosophiques et moraux. Nous serions punis parce que licencieux et amoraux! Vite il fallait se repentir, construire un monument expiatoire pour bien montrer que nous désirions retrouver notre statut de "Fille Aînée de l'Eglise". On cite parmi les initiateurs du projet Alexandre Legentil et Hubert Rohault de Fleury.



L'historique de la construction n'a que peu d'intérêt, signalons seulement que l'Assemblée Nationale en personne vote une loi qui déclare la Basilique d'utilité publique! Signalons aussi qu'une vaste collecte est organisée dans toute la France et qu'en fonction du don que vous aviez consenti, vous aviez votre nom gravé sur les pierres blanches de l'édifice. Il faut croire que les paroles évangéliques "que ta main gauche ignore ce que donne ta main droite" (citation approximative?) n'avait pas cours en cette fin de siècle.

En tout cas, la construction est lancée dès 1875 et commence par les travaux de consolidation du sous sol. Le terrain est en effet instable et il faut creuser des puits que l'on comblera et qui serviront de piliers d'assise au monument.  Tout est terminé avant la guerre de 1914 mais la consécration ne pourra avoir lieu qu'après cette dernière. Lors des bombardements de 1944, les vitraux exploseront et devront être refaits. Je pense à une vieille amie arménienne qui habitait rue Müller avec toute sa famille, enfin ceux de sa famille qui avaient échappé au génocide perpétré par l'armée turque et qui par miracle vit atterrir sur son lit une bombe qui resta intacte, peut-être émue par les malheurs qu'avait déja subis ces Arméniens...
La carte postale ci dessus est une "vision" de l'église, alors que l'érection n'a pas commencé. Elle donne une image étrange et peu fidèle de ce que sera en réalité le monument.


La basilique est aujourd'hui incontournable et fait partie du circuit touristique obligatoire qui passe par la place du Tertre et les vignes. Peu de visiteurs ont l'idée d'entrer dans la petite église paroissiale de St Pierre qui recèle des trésors et que je vous inviterai à visiter prochainement. Rien ne vous empêche cependant de déambuler à l'intérieur de la basilique, de scruter l'immense mosaïque dont certains détails sont assez beaux et représentent les saints de France. Vous aurez aussi l'occasion d'entendre le déluge du grand orgue qui est un Cavaillé-Coll.


Cette carte postale montre à quel point le réalisme n'était pas de mise! Elle est colorisée n'importe comment et ne rend en rien le chatoiement de la mosaïque qui est bleue et dorée. Les pierres elles mêmes n'ont pas ce jaune douteux mais elles sont blanches et nettes lorqu'elles ont été débarrassée de la fumée des cierges qui brûlent par milliers.

Et pour revenir à notre début sur les clichés, je dois avouer que pour moi le Sacré Coeur est plus qu'une grosse église. Il a un côté naïf qui plaît aux peintres du dimanche et
qui me touche  lorsqu'on le découvre avec ses jardins qui semblent défier la perspective et s'élever à l'horizontale avec ses petits personnages accrochés aux pelouses. On se croirait dans un tableau qui ignorerait la perspective.


Enfin, quand vous déambulez dans les ruelles de Montmartre, il surgit soudain, dans la lumière bleue du matin ou la lumière rose des soirs de vent comme un mirage, une ville byzantine venue des rives du Bosphore pour faire tourner ses coupoles dans le ciel parisien. Sur cette photo, à gauche vous voyez les galeries Dufayel (aujourd'hui la toiture a été rasée mais il reste heureusement le porche monumental surmonté des sculptures de Dalou) et à droite le campanile en construction.



Et pour terminer quelques photos prises aujourd'hui de mes fenêtres, avec un rayon de soleil sur les coupoles, et pour la dernière photo une partie de l'immeuble des galeries Dufayel, l'angle sur la rue de Clignancourt et la rue Christiani. C'est là qu'habita Aristide Bruant jusqu'à sa mort, lui qui déplorait la construction de grands immeuble sur les contreforts de la butte. On pense à Frehel : Des m'aisons d'six étages, ascenseur et chauffage ont couvert les anciens talus, le  P'tit Louis réaliste, est dev'nu garagiste et Bruant a maint'nant sa rue...






Mais laissons le dernier mot à Bruant qui avait l'art des mots et qui dans sa chanson "Ma Rosse de Gosse" écrit :


Ma Rosse de Gosse
Y a déjà pas mal de temps
Quand alle avait sept ou huit ans
A d'meurait su' la plac' du Tertre
Tout là haut, à Montmertre
A s'épanouissait, en sautant
Au pied du Sacré-Palpitant...








Je vous envoie un grand bonjour depuis le Sacré Palpitant!
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