Elles se trouvent si bien dans l'île d'Oléron qu'elles seraient capables d'oublier leur instinct migrateur et d'y vivre aussi longtemps que les chasseurs les épargneraient!
Mais dès la mi-septembre elles sont leur proie facile n'étant pas farouches. Lentes à l'envol elles sont la cible idéale des novices et des maladroits!
"Si les bernaches avaient des fusils, il y aurait beaucoup moins de chasseurs"!
Encore ont-elles plus de chance que leurs presque jumelles, les oies cendrées dont le lobby des chasseurs demande chaque année la prolongation du canardage, un mois de plus en pleine période de migration! Malgré les directives européennes, malgré les condamnations du Conseil d'Etat, chaque année, le gouvernement prononce cette prolongation illégale avant d'être condamné et de payer des amendes que ne devraient régler que les chasseurs et non les opposants à la chasse!
Oie cendrée (cliché Anser anser)
Revenons à notre bernache qu'on appelle parfois "oie noire" et qui au Canada porte le nom d'outarde. Nous la trouvons dans un des beaux poèmes de Félix Leclerc.
La Vie
Plus fragile que la feuille à l'arbre
La vie
Plus lourde que montagne au large
La vie
Légère comme plume d'outarde si
Tu la lies à une autre vie
Ta vie
La plume de l'outarde si elle est légère est également solide et elle sert à confectionner les becs (plectres) des clavecins. Ainsi quand vous écoutez Bach, Purcell, Couperin ou Rameau c'est grâce à ces oiseaux majestueux que s'envolent les notes.
Si on ne les massacre pas pendant leur migration, les bernaches peuvent vivre jusqu'à 24 ans et mettre au monde cinq à sept petits à chaque couvaison.
La plupart du temps elles vivent en couple et restent fidèles. Quand la femelle s'absente du nid, le mâle prend la relève.
Je souhaite longue vie à celles que je rencontre dans l'île d'Oléron bien que leur espérance d'échapper aux chasseurs soit une question de chance. On tire sur la première qui dirige le vol en formation de V. La deuxième prend sa place. On tire sur la deuxième, la troisième prend sa place.... parfois il n'en reste pas une.
Et on est fier d'avoir abattu un oiseau royal dont l'envergure peut atteindre presque deux mètres.
La bernache n'étant pas méchante, ses 5 ou 6 kilos n'atterrissent pas sur la tête de ses tueurs. Si tel était le cas, peut-être cesserait-elle d'être criblée de plombs.
Consolons-nous en écoutant "le clavecin bien tempéré" dont la musique grâce aux outardes est autrement vivante et harmonieuse que les pétarades des chasseurs.