Un square qui avec Vincent Delerm et Modiano est entré dans la poésie et la littérature!
7500 m2 au pied des falaises d'immeubles construits entre 1909 et 1919 par l'architecte Georges Debrie puis Adolphe Bocage pour abriter des familles modestes.
Alexandre Weill crée sa fondation en 1905 dans un but philanthropique. Plusieurs immeubles sont érigés grâce à elle notamment boulevard Berthier.
L'ensemble de la rue Marcadet est remarquable par son souci de luminosité et ses nombreux balcons. On souhaiterait que nos logements sociaux actuels aient toujours un tel souci esthétique et de confort!
Le porche monumental 205 rue Marcadet porte les trois lettres d'Alexandre et Julie Weil.
Du côté de la rue Carpeaux se développe la splendide façade de la caserne des pompiers, achevée en 1900 par l'architecte Paul Héneux. C'est là que fut organisé en 1937 pour le 14 juillet un bal populaire qui eut tant de succès qu'il fut repris par de nombreuses casernes du pays pour devenir avec les années une fête populaire "traditionnelle".
Le square s'étend sur un terrain qui fit partie jadis du cimetière Montmartre, le cimetière Nord et qui en 1879 fut désaffecté.
Il reçoit le nom de Jean-Baptiste Carpeaux (1827-1875) pour honorer ce sculpteur considéré comme l'un des plus importants du XIXème siècle.
Homme du nord, de Valenciennes qui recevra selon sa volonté une bonne partie de ses œuvres, il est aussi lié au 2nd Empire, apprécié de Napoléon III et bénéficiaire de commandes officielles.
Ses réalisations sont célèbres et il est difficile de faire un choix. Pour un parisien, le groupe de la danse de l'Opéra reste sans doute son chef d'œuvre, tant il est vivant, vibrant et solaire.
Sa dernière réalisation est la fontaine des 4 parties du Monde dans le jardin de l'Observatoire qu'il termina quelques mois avant sa mort à 48 ans d'un cancer de la vessie.
Dans le square deux sculpteurs ont été sollicités pour deux statues. La première représente Carpeaux avec une austérité qui ne rend pas justice à l'aspect original et quasi baroque de ses œuvres.
La statue est de Léon Fagel (1851-1913) sur une stèle de Henri Bans. Elle date de 1929. Fagel est né à Valenciennes comme Carpeaux et comme lui il y est enterré.

Parmi ses réalisations les plus connues figurent le buste de Carpeaux ainsi que les sculptures de la façade du Petit Palais sur les Arts et métiers (avec J. B. Hugues). On lui doit encore la statue de Lamarck dans les jardins du Museum.

Sans oublier son groupe le plus célèbre, le monument de Wattignies à Maubeuge.
Sur la stèle de pierre qui porte la statue du sculpteur sont fixés deux médaillons de bronze. Le premier représente Charles Carpeaux, le fils du sculpteur qui participa aux fouilles d'Angkor et au dégagement du Bayon.
Le second médaillon représente Louis Carpeaux fils cadet du sculpteur et qui fut capitaine de l'Infanterie coloniale.
Pas de médaillon pour Louise Carpeaux, la fille de la fratrie, artiste et sculptrice. Il faut croire que les femmes n'avaient pas la même valeur que les hommes!

La deuxième statue du square fut appréciée des Parisiens qui aimaient poser devant elle.

Il s'agit de "La Montmartroise" parfois appelée "La Parisienne" représentant une grisette, main sur la hanche, portant un tambour.
La statue installée en 1907 est due à Théophile Camel (1863-1911) qui bien que né à toulouse a été un artiste montmartrois, bien oublié aujourd'hui. Elle représente la femme telle que l'idéalisent les peintres à une époque pas vraiment féministe. Elle est couturière, lingère, élégante naturellement et accueillante comme le suggère le petit amour qui l'accompagne.
Montmartre est présent encore par le moulin en voie d'effacement sculpté sur le tambour et la palette qui suggère que la jeune femme posait volontiers pour les peintres de la Butte.
La Montmartroise a été vandalisée et il lui manque l'avant-bras droit et une partie de la main. Il serait grand temps de la restaurer et de lui rendre toute sa grâce!
Avant de quitter ce square, comment ne pas évoquer la chanson de Vincent Delerm "le baiser Modiano."
"C'est le soir où près du métro
Nous avons croisé Modiano (…)
(…) Et le baiser qui a suivi
Sous les réverbères sous la pluie
Devant la grille du square Carpeaux
Je l'appelle Patrick Modiano."

Et comme Paris est une ville enchantée... Modiano qui n'avait jamais parlé de ce square fut surpris au point de croire que Delerm avait fait une enquête et découvert que lorsqu'il avait 20 ans et habitait près du boulevard de Clichy, il aimait s'y promener et s'asseoir sur un banc près de la Montmartroise...
P.S : Un commentaire reçu après l'écriture de cet article me signale que le film de Michel Gondry "La Science des rêves" a été en partie tourné dans le square Carpeaux.

Le square serait donc propice aux rêves et aux apparitions!