Après la fontaine Saint-Denis et la fontaine du But, voici les deux dernières "sources" qui jaillissaient sur la Butte : La fontaine de la Bonne Eau et celle de la Fontenelle.
La fontaine de la Bonne Eau existait depuis l'antiquité. A l'époque gallo-romaine, elle était vénérée et dotée de pouvoirs magiques comme la plupart des sources. Notre fontaine n'était pas très éloignée du temple de Mars qui était bâti approximativement à l'emplacement du square Nadar.
Elle a eu plusieurs noms : Fontaine de la Belle Etoile, de la Bonne Fée, de la Bonne Fontaine, de la Bonne Eau, de la Bonne…
On aurait aimé qu'elle gardât un de ses premiers noms plus poétiques mais c'est son dernier nom qui s'imposa avec la rue qui en garde mémoire.
Les eaux qui jaillissaient au flanc de la Butte étaient en partie canalisées par les seigneurs de Clignancourt pour alimenter leur ferme et ses terrains là où aujourd'hui s'élève la mairie du XVIIIème arrondissement.
Les riches seigneurs avaient bon goût puisque ses eaux avaient la réputation d'être les meilleures et les plus saines de Montmartre. Les villageois ne s'y trompaient pas qui y puisaient abondamment.
Elles alimentaient également l'abbaye voisine. Nous avons trace d'une requête présentée en 1612 par les religieuses de Montmartre, demandant à l'évêque de Paris la permission de teindre en noir leurs robes blanches afin d'éviter de trop souvent les laver, les eaux de la fontaine se faisant de moins en moins abondantes. Ces Dames étaient écologistes avant l'heure!
Son emplacement précis est discuté mais il est permis de penser qu'il était dans l'actuel square Bleustein-Blanchet, dit de la Turlure, dans la partie la plus basse, dans le coude entre la rue de la Bonne et la rue St-Vincent.
La source était, comme on l'a vu, voisine du temple de Mars. Mais si l'on a sauvé quelques chapiteaux du temple, on n'a retrouvé aucune trace de la source. On sait par quelques documents qu'elle s'est tarie au milieu du XIXème siècle.
La bonne étoile ne brillait plus au-dessus de Montmartre, les fées ne survivaient pas à la domination d'un nouveau Dieu, la bonne eau n'abreuvait plus les villageois…
Ne reste de nos jours que cette rue dont le nom la rappelle à notre souvenir.
…. et cette borne où les enfants du square viennent se laver les mains après leurs jeux!
De la Fontenelle nous n'avons également aucune trace. Plus modeste, elle faisait entendre sa petite musique cristalline à moins de 100 mètres de la Bonne Eau.
Elle apparaissait entre les herbes sauvages des terrains où s'éleva plus tard le moulin de la Turlure.
Elle n'était qu'un filet d'eau qui dévalait la pente vers l'est et vers les jardins du Château Rouge (où la légende situe les amours de Gabrielle et du Vert-Galant) dont elle emplissait besogneusement les deux bassins.
Elle fut tarie dès la première moitié du XIXème siècle et ne subsista un temps que grâce à la sente qui garda son nom, rue de la Fontenelle, jusqu'au jour où ce nom même disparut au profit du Chevalier de la Barre.
Impossible de ne pas penser à elle en gravissant l'escalier qui a remplacé la vieille sente par où elle descendait, aussi humble fût-elle, vers le village de Clignancourt.
Ce chemin est aujourd'hui, la nuit tombée, un reflet du ciel nocturne du 1er janvier et du 1er juillet grâce à Alekan (chef opérateur d'Ophüls, Cocteau, Carné…) qui y a semé les étoiles.
On peut entendre ces sources d'antan quand la nuit magique de Montmartre permet aux vieilles légendes de murmurer leurs chansons.