Dans l'escalier du Musée du Nouveau Monde à La Rochelle, une toile accrochée dans l'escalier somptueux de l'hôtel particulier ne peut manquer d'attirer l'attention.
Elle a été peinte dans la première moitié du XVIIIème siècle par un artiste "anonyme" et représente une jeune femme blanche au moment du lever, avec à ses pieds une jeune esclave noire qui tient le plat, l'éponge et la serviette afin d'assister sa maîtresse à sa "toilette intime".
Le peintre voulait représenter une scène susceptible d'émoustiller ces messieurs amateurs de peintures légères.
Aujourd'hui tout en nous informant sur les mœurs qu'une époque jugeait naturelles, il ne manque pas de nous interpeler.
Les domestiques étaient si peu considérés que les "maîtres" ne se gênaient en rien devant eux. Tocqueville écrit à propos de Mme du Châtelet, pourtant femme éclairée, qu'elle se déshabillait sans le moindre embarras devant ses gens "ne tenant pas bien établi que les valets fussent des hommes" !
L'œuvre appartient au Musée des Beaux Arts de Valenciennes et a été laissée en dépôt en 2010. Elle s'inspire, pour ne pas dire qu'elle copie, une toile de Watteau.
Mais à la différence de l'original, elle remplace la servante blanche par une jeune Noire.
A l'époque on parlait de nègre, de négresse, de négrillons et de négrillonnes. Les mots sont tellement liés aux pratiques et aux mœurs d'une société sûre de sa supériorité et de son bon droit qu'ils ne peuvent plus être employés de nos jours.
Evidemment la scène est chargée d'érotisme : la tenue de la maîtresse, son abandon, la main qui retient à peine le voile sur la poitrine, la servante à genoux entre les cuisses qui s'entrouvrent...
Elle s'inscrit dans la lignée des peintures libertines du XVIIIème siècle français.
Elle a pourtant dû révolter quelques spectateurs (nous sommes au siècle des Lumières!) par ce qu'elle trahit des mœurs des classes dominantes...
Une révolte qui se transformera en Révolution et conduira à la Déclaration des Droits de l'Homme et à l'abolition de l'esclavage!
Deux autres toiles du Musée du Nouveau Monde représentent des enfants de riches Rochelais, les Grellier, ayant fait fortune à Saint-Domingue.
Marie-Jeanne Grellier avec sa négrillonne peinte par Chanteloup (début du XVIIIème)
Marie-Anne Grellier avec sa nourrice noire. (Anonyme 1718)
C'est la vocation de ce beau musée de nous informer sur une histoire faite d'ombres et de lumières. Quand on étudie le massacre des Indiens ou l'esclavage des Africains, c'est l'ombre qui domine. On aimerait penser que notre siècle est moins dominé par le profit et le mépris des hommes....
On aimerait!
Un grand coup de chapeau aux responsables du Musée du Nouveau Monde!