"Je ne pourrais croire qu'à un Dieu qui saurait danser." c'est Nietzsche qui le dit !
Les danseurs ont donc en eux une parcelle de divinité.
C'est peut-être pour cette raison qu'on les appelle "étoiles"
Danseuse étoile, Ludmila Tchérina le fut !
Etoile à 15 ans des ballets de Monaco, étoile des Ballets de Paris, étoile du Metropolitan Opéra de New York!
Elle est à elle seule une constellation!
Est-ce qu'on enterre les étoiles?
Il semble que oui puisqu'un jour de 2004 Ludmila Tchérina fut ensevelie, avenue Berlioz, division 21, dans la terre du cimetière de Montmartre sur laquelle on posa une chappe de marbre noir et on grava les dates et les mots définitifs qui prétendent résumer une vie!
L'étoile qu'on a portée en terre fut aussi princesse, fille du prince russe Tchemerzine.
Elle le fut sur les planches avec les plus grands danseurs et les plus grands chorégraphes de son temps : Serge Lifar, Roland Petit, Maurice Béjart.
Les admirateurs sont de moins en moins nombreux qui eurent l'occasion de la voir et de l'aimer.
Il reste des enregistrements partiels de ses ballets qui jamais ne restitueront la magie de l'instant.
Il reste aussi quelques films, dont un chef d'œuvre, les chausson rouges de Michael Powel et Emeric Pressburger.
Elle joua dans un autre film de Michael Powell et Pressburger : Les Contes d'Hoffmann.
Douglas Sirk fit appel à elle pour the sign of the pagan
Jacques Demy pour un court métrage "Musée Grévin"
Elle fut encore l'héroïne des Amants de Teruel de Raymond Rouleau, l'histoire d'une passion flamboyante et tragique.
Femme passionnée elle même, elle fut une grande amoureuse.
En 1946, elle épousa le "prince de la danse" Edmond Audran. Elle avait trouvé l'homme de sa vie avec qui elle partagea la même passion et la même boulimie créatrice.
Quand il mourut cinq ans après leur mariage, dans un accident de la route, elle crut mourir elle même. Elle pensa sans doute à la double tombe sculptée pour les amants de Teruel où l'on voit les gisants de pierre se saisir la main d'un tombeau à l'autre.
Edmond Audran fut enterré dans la 28ème division à deux cents mètres de l'avenue Berlioz où 53 ans plus tard Ludmila sera enterrée. Leurs mains ne risquent pas de se rejoindre!
C'est un autre homme qui repose avec elle dans la même tombe.
Ludmila se remaria en 1953 avec Raymond Roi avec qui elle créa un ballet d'avant-garde et réalisa son rêve d'un art total qui réunirait théâtre, danse et peinture.
Parce qu'elle aime peindre, entourée de ses chats, des tableaux de feu et de mouvement, de corps qui se dissolvent et se recomposent en une danse cosmique.
Malraux lui rendit visite lors de son exposition au musée Pompidou.
Entre lui et elle, il y avait complicité et bienveillance. Quand il lui envoyait des lettres, il ne manquait pas de signer avec un croquis de chat.
Tous deux partageaient l' amour des chats, messagers du mystère et de l'éternité.
"Le chat c'est la danse" dit-elle un jour en participant à une émission de 30 Millions d'Amis.
Ce n'est pas un chat qui est sculpté sur le marbre noir de sa sépulture mais un couple pris dans un tourbillon. Il s'agit d'une reproduction de la statue de 12 mètres de haut, œuvre de Ludmila Tchérina, qui fut choisie par la Communauté européenne pour symboliser l'Europe devant le Parlement de Strasbourg.
L'Europe à cœur est une image idéale d'un continent sensuel et dynamique. Une image rêvée qui tarde à devenir réalité!
Peu de visiteurs s'arrêtent aujourd'hui devant la tombe de Ludmila Tchérina.
Voilà plus de 12 ans qu'elle est morte après avoir subi les ravages du cancer.
Elle a pour voisins Berlioz, Truffaut, Rivette et Henri Heine... et un peu plus loin Nijinsky...
De quoi passer de fabuleuses soirées musicales, cinématographiques, poétiques et dansantes!
"Je ne pourrais croire qu'à un Dieu qui saurait danser" disait Nietzsche
"Le chat c'est la danse" disait Ludmila Tchérina
Il est donc naturel que les petits félins du cimetière Montmartre viennent faire des entrechats sur le marbre noir!